Ultra Trail Puy Mary Aurillac (17-18juin / 105km)


Un TAC à Aurillac.

 

A force de lire des récits d'ultra-trailers, de regarder des vidéos de courses emblématiques, j'ai eu l'idée stupide (ou pas) de vouloir tenter cette expérience et passer cette fameuse barre des 100 kms.

Je me suis alors inscrits à cette course de 105 kms et 5500mD+: l'UTMP... non.. l'UTAM... heu non plus.. bref à cette course à Aurillac dans le Cantal.

 

L'image que j'avais du Cantal, c'était des vaches, du vert, et des collines aux courbes assez douces. Tout faux pour les collines!!! (..mais vrai pour les vaches et le vert).

Après un trajet en mode touriste, me voici arrivé à Aurillac, charmante petite bourgade de campagne néanmoins très vivante pour un vendredi après midi. Direction le centre culturel pour retirer le dossard.

Entre des barnums énormes, un centre médical avec une quarantaine de lit, traiteurs, sono de fou, des bénévoles de partout (tous souriants et serviables), je me dis que finalement ce n'est pas une petite course de village…

 

A 18h briefing au centre des congrès. A partir de ce moment, j'ai commencé à avoir la boule au ventre. Salle comble, ambiance studieuse, tous les concurrents écoutent religieusement le directeur de course qui nous dévoile le parcours. Cela dure une bonne demi-heure. Je commençais à avoir des crampes aux mollets tellement le tracé me paraissait long!!! Puis viennent les consignes de sécurité avec la présentation du staff médical. 7 Médecins une dizaine d'infirmiers anesthésistes, l'hélico' des gendarmes en alerte, des 4X4, des quads des motos… Alors en écoutant tout ça, c'est plus une boule au ventre…

A la sortie un repas était proposé (forcement des pâtes, du jambon de pays et en fromage… du Cantal, très bon d'ailleurs). Je discute avec des coureurs, mais je ne viens pas du même monde: ils parlent tous d'UTMB, Diagonale, Mercantour, Ultra des Cathares (177 kms sic), etc. Je leur ai demandé s'ils connaissaient le Cuou de Peyrou, visiblement non.

 

Petite sieste dans la voiture et à 22H45 direction la ligne de départ. Superbe ambiance. De nombreux coureurs ferment les yeux sur les murets, dans l'herbe, un peu partout.

Pour accéder au sas de départ, une dizaine de bénévoles vérifie si tout le monde est bien en possession du matériel obligatoire. Un coureur s'est vu refuser l’accès car il n'avait pas sa veste! Ça ne rigole pas…

 

A 00H01 le départ est donné. A cette heure-ci, il y a beaucoup de monde dans les rues d'Aurillac. On se croirait presque au départ de l'UTMB. C'était un super moment.

Je me cale à mon rythme de sénateur mais je constate que je me fais doubler par de nombreux concurrents. Difficile de se dire de courir à son allure sans faire attention aux autres pour ne pas se griller.

Le début du parcours ne présente aucune difficulté. Finalement heureusement que c'est la nuit, car je pense qu'en journée il aurait été monotone. Le côté sympa était de traverser des pâturages avec les vaches allongées. Le 1er ravito se trouve au 17ème km. Des danseurs de country mettent une bonne ambiance. Je remarque que certains coureurs ont déjà le visage marqué, d'autres sont allongés. Ce n'est pas comme sur les courses d'un format plus court ou les concurrents avalent les victuailles rapidement pour ne pas perdre de temps. Au contraire, tout le monde cherche à s'économiser.

Je repars heureux car ces 17 premiers kms sont passés facilement. Les choses sérieuses débutent. Dès la sortie du village la 1ère vrai montée. Un début doux et agréable et ensuite raide et difficile. Le rythme a largement baissé et tranquillement je commence à doubler des coureurs. Certains sont déjà assis sur le bas côté, d'autre carrément allongés. Au bout d'un dernier 'raidar', on a commencé a trottiner en crête, au bord de falaises impressionnantes éclairées par les frontales. Le vent a commencé à souffler violemment (pour ne plus nous quitter d'ailleurs) et avec la fraîcheur du matin tous le coureurs se couvrent.

 

Le lever du jour est somptueux. En plus je me retrouve dans un groupe de 5 dont l'un est local et nous fait une visite guidée. Très sympa comme ambiance. Ca joue pas la gagne.

Une jolie descente en sous bois nous conduit au 2ème ravitaillement: au Col du Perthus (non pas celui vers l'Espagne!) à 1571m, 34kms et 5h56.. Il fait frais et le vent rabaisse le ressenti en température. Une bonne soupe chaude me réchauffe. Des bénévoles jouent de la musique locale avec des instruments locaux et des paroles... locales. Je ne suis pas très fan, mais ils ont le mérite de nous soutenir et je les remercie. Quelque coureurs jettent l'éponge. Pour ma part je suis content, car mes jambes sont gentilles avec moi.

Je quitte cette ambiance musicale pour un sous-bois boueux puis une jolie descente avant d'attaquer l'ascension qui nous mènera vers le sommet de la course à près de 1855m: j'ai nommé le Plomb du Cantal. Le directeur de course nous avait précisé que cette 'grimpette' passait par l'éperon rocheux de l'Arpon du Diable… C'est la voie la plus difficile. Tout un programme.

On a couru, enfin trottiné plutôt sur piste qui s'élève doucement puis... tout droit vers le sommet par un sentier inexistant... Seules les balises permettaient de trouver le chemin. Mais la grosse difficulté était le vent. Des rafales me déséquilibraient au point de me retrouver les fesses par terre à 2 reprises. Digne du Ventoux!! Je croise deux coureurs qui ont renoncé et ont fait demi tour. Dur, très dur, et la fatigue commence à arriver. Mais le moral est là et je grimpe doucement. Je double même quelques coureurs. Après l'Arpon du Diable, un sentier en crête nous dirige vers le Plomb du Cantal. Mais difficile de savourer ce superbe passage car le vent violent m'oblige à surveiller mes appuis pour ne pas chuter. C'est une vraie crête. A certains moments le sentier ne mesure pas plus d'un mètre cinquante de large avec des falaises de chaque côté.

Au sommet du Plomb, deux secouristes nous demandent notre état et nous 'autorisent' à continuer.

 

Une looooongue descente par des pistes de ski puis des sous-bois nous emmène au 3ème ravitaillement, qui est aussi une base de vie: la station du Super Lioran, 51kms, 10H21 de course. Oui je sais que le chrono n'est pas top, mais il est secondaire!!! Je gère..

A cette base de vie, il y a beaucoup de monde. Des accompagnants, un gros ravitaillement, des secouristes des lits… Grosse organisation!!! Je suis impressionné. Un commentateur annonce toutes les arrivées et aussi les abandons. J'avais déposé un sac au départ: je change les chaussettes et quitte ma superbe tenue fuchsia pour la non moins resplendissante blanche du Cuou de Peyrou. C'est agréable de porter des vêtements propres (surtout les chaussettes!). Je fais le plein de gels et barres. Ah oui, j'ai oublié de préciser que pour une distance longue il faut bien s'alimenter régulièrement et ne pas se tromper… Vous allez comprendre si vous avez la patience de continuer la lecture..

Je quitte la base de vie pour le prochain ravitaillement dans 19kms avec un point d'eau au milieu et le Puy Mary en sommet (1783M).

 

Après une difficile montée par le Bec de l'Aigle, on attaque dans le dur, le très dur. Je vais faire court: pendant 19kms on a enchaîné des crêtes qui emmenaient à des pics par des montées abruptes et des descentes raides, mais très raides. Cordes, échelles, escalade. Et un vent qui était terrible. Difficile de trouver du plaisir. Personne ne parlait. Pourtant la vue était magnifique mais toujours se vent qui ralentissait la progression, et la difficulté des sentiers faisaient que nous avancions la tête basse. Un pas après l'autre. Pour couronner le tout la montée raidissime vers le Puy Mary se faisaient sans bâton pour protéger la flore. Trois bénévoles nous surveillaient. Très très dur.

 

Au point d'eau j'ai commis une erreur: il y avait juste de l'eau et des quartiers de citrons. En tant qu'ancien rugbyman, j'adooore le citron. J'en englouti trois et repars le moral en hausse car je savais qu'une belle descente arrivait dans quelques kilomètres. Mais rapidement des douleurs dans l'estomac sont apparues. Impossible de manger ni même boire. Sur l'instant je ne comprenais pas, et en parlant avec un breton spécialiste de l'ultra il m a expliqué les soucis que peut provoquer l'acidité du citron. Il m'a accompagné tout au long de la montée avant de me lâcher dans la descente : que j'ai faite en marchant. Plus de moral, plus de jambe, faim soif mais rien ne passaient. Ça sentait la fin. Mais certains coureurs étaient encore plus mal en point. J'arrivais encore à les dépasser, c'est dire!!!

 

A la mairie de Mandaille (16H00 de course 70kms) le ravitaillement est un moment difficile.

J'arrête ? Je continue ? Avec Marisol on s'était dit que seule la blessure pouvait me stopper. Un problème de digestion s'est en une, non ? J'ai plus la tête à continuer. Je ne mange rien, repars doucement mais j'ai besoin d'un coup de main. Je lis mes Sms d'encouragement (merci particulier au blond) et, tout en marchant, j'appelle Marisol qui me persuade de continuer (le pouvoir des femmes sur nous pauvres hommes faibles). Pendant la conversation je vomis!!! Je raccroche, le moral un peu en hausse et je m’aperçois que j'avais oublié mes gourdes au ravitaillements! Je cours les récupérer et allez comprendre pourquoi tout s'est remis dans l'ordre: le moral, l'estomac, les jambes. Trop heureux.

 

En plus, je sais que je vais attaquer la dernière très grosse montée. Après, le relief est censé être plus 'calme'. Cette côte est en faite une longue piste forestière avec des passages a travers des pâturages par des petits sentiers en balcon. En montant doucement je récupère des zombis trailers et nous nous retrouvons un groupe de 6. Moi qui était au fond du trou il y a quelques minutes, je me retrouve en meneur et j'encourage mes 'collègues' de souffrance quand ils veulent s'arrêter. Incroyable cette machine qu'est le corps humain et la puissance du mental sur le physique.

Le dernier kilomètre de cette montée est technique et bien raide mais mes jambes sont là. Au sommet je sais que le plus dur est fait. Je commence à trottiner dans la descente, mais les autres du groupe préfèrent faire une pause. De plus, ils ne comptent que marcher dans la descente. Je me retrouve donc seul et me lâche dans des singles en crête puis des sous-bois. Je passe par un poste médical obligatoire, je plaisante avec un secouriste supporter de l'ASM (pour ceux qui ne savent pas: c'est le club de rugby champion de France cette année). Quelques coureurs sont allongés à l'ombre. Ils ne repartiront pas.

Durant cette descente géniale j'ai dépassé une dizaine de coureurs. Elle se termine dans un superbe passage aménagé dans les gorges de la Jordanne. Des passerelles, des escaliers, nous font traverser de chaque côtés des rivages. Superbe.

 

J'arrive au 5ème ravitaillement (86kms, 20h07!) au village de Lascelle. De nombreux coureurs sont présents et ne semblent plus très vaillants… Je ne m'attarde pas trop pour profiter de mon euphorie et je repars.

Une première partie plate le long d'un lac me conduit à une forêt qu'il faut gravir à deux reprises. J'aborde ces deux montées avec prudence, mais aussi confiance car je sais qu'elles sont 'courtes'. A Lascelle mon co-pilote Marisol m'avait annoncé qu'il restait environ 700m de dénivelé jusqu'au prochain ravito'. Ce passage en forêt m'a beaucoup plus. Je marchais en montée, courait en descente et trottinait sur les quelques plats. Vraiment agréable. Vue l'heure et la densité de la végétation, la frontale était à nouveau sur la tête. Deux coureurs trop confiants avaient laissé la leur à la base de vie. Du coup on a trottiné à trois dans le faisceau de ma lampe. Ils n'ont pas arrêté de me remercier. Sympa.

 

Je me suis régalé sur ces 12kms en 2H40 environ pour arriver au DERNIER ravitaillement à Saint Simon, 98kms et 22H46. J'avale un gobelet de soupe une pate de fruit je remplis mes gourde et je repars. Je pensais exploser le chrono sur cette dernière partie mais la fatigue et la technicité du terrain ont fait que je n'ai que trottiner. J'ai rattrapé un ultime coureur avec qui j ai discuté. 4 UTMB, 2 Diagonales... Mais des ampoules l'empêchent de courir. On marche un moment puis, en arrivant dans Aurillac, il me dit d'y aller, de profiter de l'arrivée et me félicite car pour mon premier (et unique?) ultra je n'avais pas choisi le plus simple.. Alors je commence à trottiner, puis dans le centre ville j'accélère comme si je venais de commencer la course. Il est minuit et le parcours nous fait passer par le centre de la ville où les terrasses des bars et des restaurants sont pleines. Tout le monde applaudit, félicite. Super, méga, génial souvenir. Le top.

 

Et puis voilà, je passe enfin cette ligne d'arrivée. 24H14MN39S !!!!! Yeeeeeees!

J'avale un morceau puis me traîne jusqu'à ma voiture dans laquelle je tombe de sommeil. Plus de son, plus d'image.

 

Concernant le classement, au premier ravitaillement je me trouvais 433ème, et je termine 266ème sur 468 partants et 327 finishers.

 

Merci d'avoir eu la patience de lire ce compte-rendu et merci de vos encouragements.

 

Je ne suis pas sûr de renouveler une expérience comme celle ci.. et si un jour vous m'entendez parler d'un ultra, criez fort « «TUPM ! », non, « «UTNA ! », pffff « « UTMPA ! » oui c'est ca hurlez moi « UTMPA !!!!! »

 

Sébastien

 

 

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Commentaires: 9
  • #1

    Geneviève (lundi, 19 juin 2017 13:14)

    Super compte rendu, j'ai eu l'impression de partager ta rage de vaincre et tes souffrances j'étais peut-être ton ange qui veillait sur toi qui sait... non, non...... ton ange était Marisol, il faut la remercier. Superbe course que de bons souvenirs.
    Bonne récup.

  • #2

    Didier (lundi, 19 juin 2017 16:09)

    Oulala, si tu veux, j'ai le 06 de Jean-Jack le Tac'masseur !

    Je trouve ça juste énorme comme effort Seb, une telle détermination force le respect. Mes sincères félicitations.

  • #3

    Bruno (lundi, 19 juin 2017 18:13)

    Félicitations Seb pour cet exploit qui restera longtemps gravé dans ta mémoire.
    Double félicitations pour ce récit qui nous fait vivre ton périple comme si nous étions à tes côtés (mais en moins fatiguant)

  • #4

    Laetitia (lundi, 19 juin 2017 21:03)

    Surhumain.. et tu fais la récup du lundi soir comme si de rien n'était.. quel exploit en tout cas!!

  • #5

    Fred (lundi, 19 juin 2017 21:32)

    Waouh!!!! Quel récap', quelles photos et quelle expérience!!!!!! j'ai adoré te lire, c'est extraordinaire ce que tu as fait et oui l'esprit est fort ... bravo Seb tu les as fait tes 100 bornes et même plus... t'es un tac trailer super courageux et téméraire!!! merci pour ce recap' bisous d'une tortue admirative

  • #6

    Steph' (lundi, 19 juin 2017 23:07)

    Seb', tu sais ce que j'en pense.. Allez, je me répète: c'est vraiment grandiose, un big big big bravo à toi, tu l'as fait; oui: tu as fini un trail (l'UT.. euh.. l'UM.. euh, bref le truc de dingue dans le Cantal..) de plus de 100 bornes..! C'était un rêve, un défi dont tu parlais et que tu pensais peut-être inatteignable, et bien c'est fait, t'es désormais un Ultra-Trailer! Et quel bonheur ces derniers mètres non? Je sais ce que tu as du ressentir, et la fierté que tu dois avoir aujourd'hui, elle est totalement justifiée.. Et si en plus t'arrives à nous pondre de tel récap' juste après, c'est que tu ne peux vraiment pas t'arrêter en si bon chemin: on en voudra d'autres de tels compte-rendus..

  • #7

    Mag (mardi, 20 juin 2017 07:11)

    C'est énorme seb... Merci pour ton récap. Je pense que le repos s'impose je te dispense d'entraînement lundi tu reprends mercredi... � � félicitations et merci à marisol pour son soutien




  • #8

    Christophe (mardi, 20 juin 2017 09:33)

    Magnifique exploit de ta part, tu rentres dans le cercle des ultras et dans la légende des TAC.

    Coach - président.

  • #9

    Thomas (mardi, 20 juin 2017 23:18)

    Eeeeeeenorme course Seb', et énorme récap, vraiment très sympa à lire. On dirait qu'il te restait de l'énergie :-)) BRAVOOOOO !