Championnat du Canigó (04août / 34km)


 

Bon dia els Toros! [c'est du.. catalan!]

 

Et oui, direction la Catalunya ce weekend, et plus précisément à Vernet-les-Bains, petit village occitan au pied des Pyrénées. Là-bas, un événement assez exceptionnel nous attendait, Jean-Marie & moi : le « Championnat du Canigó », un trail (..une course, une ascension, une fête..) mythique dans la région, où un parcours historique de 34kms (avec 2200m de D+) consiste en la montée du Pic du Canigou (sur 18kms) puis sa redescente (sur 16kms); un parcours déjà effectué il y a plus de 110 ans de cela, et qui s'inspire des courageux porteurs de glace d'antan qui allait récupérer au sommet de la glace pour les thermes du village! D'ailleurs du coup, en plus du 34km classique que nous allions faire, il y avait aussi ce même parcours à effectuer avec charge de 8kg sur le dos (19 fadas y arriverons au final, respect à eux)! L'organisation (au top) et les locaux (très chaleureux) le répètent, c'est "Mès que una Cursa".

 

Jean-Marie connaissait bien le défi qui nous attendait, il est un fidèle de l'évènement, ayant déjà participé 3 fois. Moi j'allais le découvrir, et me languissais de gravir ce sommet sacré pour les Catalans, le Pic du Canigou, culminant à presque 2800m. Pour cela fallait monter sur 18kms non stop (!), un effort continue qu'on n'a pas l'habitude de faire, notre col de Sèze ne le permettant pas trop.. La fin de l'ascension se faisait par une redoutable cheminée, qu'il fallait escalader comme on pouvait, avant de basculer et redescendre de l'autre côté, avec là 16 bornes ininterrompues où les cuissots allaient prendre cher..

 

J'avais hâte de m'attaquer au mythe, même si le terrain très accidenté et la descente très technique allaient mettre à rude épreuve ma cheville. En plus, pas de Mlle Tortue aux ravitos (seulement donc au départ et à l'arrivée): ceux-ci étaient nombreux (8!), mais souvent au milieu de nulle part, sans véritable route pour y mener. Énorme bravo du coup aux super bénévoles qui montaient souvent tout à pied pour nous assurer des ravitaillements un peu partout, et notamment au sommet même du Canigou, qu'ils avaient monté la nuit, l'eau sur le dos! Grandiose.

 

Top départ pour les 1000 coureurs (200 partaient pour un 21bornes qui évitait le sommet, 800 s'attaquaient aux parcours roi) à 7h pétantes. Y'avait tellement de monde qu'on ne se retrouvait pas avec Jean-Marie et que du coup on attaquait chacun l'ascension sans savoir où se trouvait l'autre. Le début c'était 2kms de route, montant déjà, qui permettaient d'étirer l'énorme peloton et, pour ma part, de retarder le moment où ma cheville allait subir.. Ça partait vite, mais certains étaient sur le 21', donc fallait laisser faire. En plus, on savait qu'on était partis pour 18 kms de montée, ininterrompue, fallait en garder sous la semelle si on voulait arriver entier en haut. C'est vraiment un effort de dingue de monter comme ça non stop, pas de redescente où on peut laisser le corps avancer tout seul, là faut sans arrêt faire l'effort pour aller de l'avant, en essayant de courir/trottiner dès que possible, même si on aimerait juste monter tout ça en marchant, en prenant le temps.

 

J'avais l'impression que mes premiers kilomètres de montée n'étaient pas terribles, beaucoup me dépassaient et semblaient pouvoir trottiner alors que moi je marchais. Parfois c'était un peu lié à ma cheville sur un terrain très cruel, parfois c'était simplement un manque de force, qui me donnait l'impression d'avancer vraiment lentement. Mais en fait, en regardant les résultats des temps intermédiaires, je n'étais pas si ridicule que ça : à l'endroit de la séparation des 2 parcours, au bout de 9kms, parcourus en 1h14, j'étais 133ème, sur 800 fadas.

 

Après de longs kms en sous-bois, on retrouvait de plus grands espaces et des vues de plus en plus belles. Ça devenait de la haute montagne, avec bientôt le fameux sommet du Canigou en vue. Vision d'effroi mais aussi d'enchantement, en découvrant ce pic tout là-haut qu'il fallait gravir. Ça semblait tellement loin, mais aussi tellement beau, ce qui motivait à continuer d'avancer au plus vite pour l'atteindre. Le soleil était bien levé, il n'y avait pas un nuage dans le ciel, les vues étaient superbement dégagées. La montée était de plus en plus raide, les passages où on pouvait tenter de trottiner se faisaient rares. J'avais un bon rythme, plus personne ne me passait et c'est moi qui grignotais quelques places, avec toujours une très belle ambiance entre coureurs. Au loin, à 2500m d'altitude, j'entendais des encouragements nourris, y'avait un petit groupe de jeune bénévoles qui assurait un ravitaillement en eau, en pleine montagne. Leur soutien bruyant en pleine montée, après plus de 2h30 d'effort, faisait plaisir et reboostait bien. On passait parfois des randonneurs avec bâtons et sacs, qui nous encourageaient aussi, tout en continuant leur périple parfois débuté la veille. Le terrain devenait de plus en plus accidenté, avec des rochers de partout et d'énormes blocs éparpillés sur ce qui semblait être le chemin jusqu'au sommet. En haut, j'apercevais la cheminée qui menait au pic et des trailers de toutes les couleurs qui zigzaguaient jusqu'en-haut.

 

C'était dur, mais très beau. De plus en plus fallait mettre les mains et se hisser jusqu'à la prochaine pierre. Avec une main j'escaladais, avec l'autre je prenais des photos (ah, qu'est-ce que je ne ferai pas pour vous proposer un récap' joliment illustré..). Ça faisait 18 kms que je montais, il restait une centaine de mètres. Les incroyables supporters et bénévoles au sommet nous encourageaient, en français (Allez!), en espagnol (Vamos!), en catalan (Vés!). La ferveur était énorme, ça donnait la chair de poule. Les petits drapeaux régionaux décoraient le sommet et la croix qui la surplombe. Ca y'est, après un peu moins de 3h, j'étais en haut, au sommet du Canigou, magique. Quel spectacle et quelle vue là-haut!

 

J'immortalisais tout ça, mais hélas, fallait bien sûr repartir, une énorme descente de plus de 2000m de dénivelé nous attendait maintenant avec des premiers kilomètres très techniques. Le classement intermédiaire m'apprend que j'ai grignoté beaucoup de places dans la montée (104ème), mais là, avec la raide descente dans un champ de rochers et de caillasses, j'allais subir et souffrir. Et c'est en effet ce qu'il se produisit. C'était une cata' ces 2 premiers kms de descente. C'était incroyablement technique et ma cheville ne permettait pas de faire les petits mouvements ou grands sauts nécessaires. Plusieurs douleurs et frayeurs me rappelaient qu'il ne fallait pas insister à tenir un rythme correct, et y aller très molo. Tout le monde me passait et plusieurs me souhaitaient bon courage voyant ma démarche boiteuse. Pas tout le monde était à l'aise sur un tel terrain, mais c'était impressionnant de voir ceux qui l'étaient. Beaucoup, aux couleurs souvent rouge et jaune, étaient du coin et connaissaient bien le terrain. Tels des chamois ils descendaient ces pentes.

 

Heureusement l'impossibilité de courir pour moi ne durait pas, et le terrain se faisait un peu plus roulant, moins exigeant pour les chevilles, même s'il fallait toujours être très vigilant. Je reprenais donc une allure plus rapide et essayais de rattraper le temps perdu (et les coureurs perdus.. de vue..). Dès que le terrain le permettait, je m'en donnais à cœur joie, oubliant un peu la prudence exigée. Ça y'est, je recommençais à grignoter des places, je sentais qu'il me restait de l'énergie, alors que pour certains la terrible montée et violente descente les avaient vidés ou perclus de crampes. Les classements intermédiaires m’apprennent que je suis passé au 26ème km en 3h43, 98ème.

 

Allez, plus que 8 kms, je continue à hausser le rythme. Les ravitos continuent d’être nombreux et conviviaux, je bois un dernier gobelet d'eau puis ne m'y arrêterai plus. Allez, à fond jusqu'en bas, jusqu'à Vernet-les-Bains où la foule nous attend. La foule mais surement pas Mlle Tortue: je lui avais annoncé [désolé désolé] un temps probable d'arrivée de 5h, or là on ne devrait pas être trop loin des 4h30. Allez, ça va être l'objectif, je vais tenter d'arriver avant. Les cuisses commencent à se faire sentir, ça fait des dizaine de bornes que ça descend fort là. Mais je continue à lâcher les taureaux, je ne sens plus ma cheville, je fonce autant que possible.

 

Plus que 3 kms.. plus que 2.. un dernier ravito' (où je ne me ravitaille qu'en encouragements), je ne suis plus trop loin du village d'arrivée. Je dépasse encore quelques coureurs, certains finissent péniblement, les jambes usées par la durée de la descente. Çà y'est, le retour du bitume, les premières maisons. Et puis je rentre dans la rue principale, et là c'est grandiose, elle est noire de monde, la ferveur catalane est vive, quelle superbe arrivée avec tous ces gens et leurs vivats. J'arrive quand même à distinguer un super "Allez Stéphane!", je regarde et je vois Céline, la femme de Jean-Marie, avec ses 2 enfants. Merci et merci aux habitants de la région, tous venus nous applaudir. Je passe la ligne le sourire aux lèvres, très content de ces 4h27 assez dingues. C'est secondaire, mais de retour à la casa, j'apprendrai que je suis 81ème au final, c'est très satisfaisant.

 

Je retrouve Céline, qui prévient Fred' de mon arrivée. Elle l'a manquée de quelques minutes, j'espère qu'elle ne m'en veut pas trop.. (prochaine fois, je profiterai un peu plus longtemps du sommet..). Ensemble on attend l'arrivée de Jean-Marie. Il avait mis 5h20 il y a 3 ans, mais depuis c'est devenu un Taureau Ailé il a donc progressé.. et pas qu'un peu: il passe la ligne, sa fille à la main, en 4h48, 141ème! Superbe progression donc, bravo à lui.. et merci de m'avoir fait découvrir cette course pas comme les autres, «Mès que una Cursa».

 

Bref, c'est un très bel événement auquel on a participé et qui fêtait cette année sa 40ème (!) édition. A faire ou à refaire, tout comme la région, à découvrir ou à redécouvrir. Gràcies Mlle Tortue et ma cheville pour leur soutien, l'une moins bancale que l'autre.. Visca el Canigó

 

Bises du Blond

 

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Commentaires: 5
  • #1

    Laëtitia (mardi, 06 août 2019 18:29)

    Bravo les gars pour cette perf.. le rétablissement semble là pour toi steph et une bonne préparation Pour le grand événement d’octobre!


  • #2

    Seb M (mardi, 06 août 2019 19:22)

    Comme à ton habitude, un CR qui donne des frissons ! J'avais l'impression d'être dans la course. C'est cool, je suis content pour toi la forme revient. Félicitations !

  • #3

    Daniel (mercredi, 07 août 2019 07:51)

    Bravo belle course ,belles photos et superbe récap. Merci!,
    Bravo à tous les deux !.
    Vous avez la forme et malgré la cheville douloureuse tu continues la préparation de la diagonale des fous .

  • #4

    Seb g. (vendredi, 09 août 2019 09:44)

    Et ben ! Quelle course ! Quel compte rendu ! Ça me donne envie de faire une petite croix dans mon calendrier...
    Bravo à tous les deux.

  • #5

    Geneviève (vendredi, 09 août 2019 15:53)

    Bravissimo !!!!!! j'espère que ces photos et ce CR donneront envie à d'autre. J'ai eu presque l'impression de vous suivre durant cette lecture....mais ce n'était qu'un rêve.... mais magnifique.